Des soins centrés sur le patient dans un monde numérique post COVID-19
Les soins centrés sur le patient, sur la personne et sur la relation sont essentiels au développement de l’expérience du patient et profitent à toutes les parties prenantes. Aujourd’hui, ces termes sont utilisés de manière interchangeable sans véritable compréhension : les mesures sont généralisées et surutilisées et les systèmes pour rendre ces données opérationnelles à grande échelle font défaut. De nouveaux outils de mesure et de nouveaux processus couplés aux nouvelles technologies sont nécessaires pour tenir les promesses intemporelles des soins centrés sur les patients.
Les soins centrés sur le patient, sur la personne et sur la relation sont essentiels au développement de l’expérience du patient et profitent à toutes les parties prenantes. Aujourd’hui, ces termes sont utilisés de manière interchangeable sans véritable compréhension : les mesures sont généralisées et surutilisées et les systèmes pour rendre ces données opérationnelles à grande échelle font défaut. De nouveaux outils de mesure et de nouveaux processus couplés aux nouvelles technologies sont nécessaires pour tenir les promesses intemporelles des soins centrés sur les patients.
Résumé
La pandémie de Covid-19 a remis en question de nombreux éléments de la prestation des soins de santé, y compris les expériences des patients et des familles. Bien que le mode de délivrance des soins ait changé, l’engagement intemporel et universel envers les soins centrés sur le patient ne devrait pas l’être. Il est impératif d’assurer la sécurité des patients, de prendre soin d’eux en tant que personnes, d’en faire des patients partenaires et de faciliter leur parcours. Il en va de même pour le personnel, et leur confiance collective dépend de la capacité du leadership à tenir ces promesses.
Le concept d’expérience patient, qui devrait clairement être associé aux soins centrés sur le patient, est devenu, au fil du temps, intrinsèquement lié aux scores HCAHPS – l’enquête de satisfaction des patients hospitalisés mandatée par les Centers for Medicare and Medicaid (CMS) – et le concept de soins centrés sur le patient a ainsi perdu de son sens.
Cet article aborde la question des soins centrés sur le patient tel qu’il a été développé à l’origine, les pratiques qui ont émergées pour rendre ce principe opérationnel, la manière dont les organisations actuelles abordent la question, et la suite à donner pour poursuivre dans ce domaine. Et ces principes opérationnels ne s’appliquent pas uniquement aux patients, mais devraient être stratégiquement étendus au personnel.
L’évolution de l’approche centrée sur le patient
Il y a vingt ans, l’Institut de médecine (IOM) publiait le rapport « Crossing the Qaulity Chasm » qui soulignait que de nombreux progrès avaient été réalisés dans le domaine des soins de santé, mais que des améliorations étaient encore nécessaires. Le rapport mettait en avant six efforts d’amélioration essentiels pour que les soins de santé atteignent leur plein potentiel : un tel système devait être sûr, efficace, centré sur le patient, opportun, efficient et équitable. Le terme « soins centrés sur le patient » est né avec ce rapport et a été défini comme le fait « de fournir des soins qui respectent et répondent aux préférences, besoins et valeurs de chaque patient et de veiller à ce que les valeurs du patient guident toutes les décisions cliniques ». Cette définition reste la référence en matière de soins centrés sur le patient, bien que de multiples variantes aient été proposées depuis.
Le rapport de l’OIM a été publié en 2001. Quelques années plus tard, en 2006, le Picker Institute a produit un rapport pour guider hôpitaux et organisations sur la façon de travailler pour développer une pratique centrée sur le patient. Après l’examen de neuf différents modèles centrés sur le patient, six thèmes essentiels ont été identifiés :
🡪 éducation et partage des connaissances
🡪 implication de la famille et des amis
🡪 collaboration et travail d’équipe
🡪 sensibilité aux dimensions non médicales et spirituelles
🡪 respect des besoins et des préférences des patients
🡪 fluidité des échanges et accès à l’information
Peu de temps après, Beach et Inui ont publié un nouveau et important paradigme : les soins centrés sur la relation, qui reposent sur quatre principes :
‣ l’influence réciproque
‣ la personnalité
‣le potentiel thérapeutique de guérison dans les relations
‣ les émotions en tant que fondement.
Cet ajout a représenté une expansion cruciale, au-delà du seul patient : ce n’est pas la guérison souhaitée si les patients vivent de bonnes expériences et ont de bons résultats, mais que les soignants sont épuisés, déconnectés et en burnout.
Presque 20 ans après le rapport de l’IOM, nous aboutissons à l’approche actuelle de l’expérience patient, qui en a été grandement influencée. En particulier, l’épidémie de Covid-19 a attiré l’attention sur un certain nombre de manques préexistants, que le caractère aigu du contexte a rendu plus évidents.
Cet article se propose de revenir sur certains de ces manques et de proposer des actions pragmatiques, qui permettent à chaque organisation de soins de répondre à son niveau à ces enjeux cruciaux et d’évoluer vers une pratique réellement centrée sur le patient.
Répondre à l’insatisfaction systématique
À la Cleveland Clinic, les facteurs influençant positivement l’expérience vécue par le patient correspondent en grande partie à la communication entre le patient et l’équipe, à leur participation dans le plan de soins et à leur sentiment d’être bien pris en charge par les médecins et l’ensemble de l’équipe, particulièrement les infirmières.
Au contraire, les facteurs qui influencent négativement l’expérience vécue par le patient en toute situation (urgences, hospitalisation, ambulatoire) correspondent en général à un manque dans les domaines suivants : facilité d’utilisation (attente de rendez-vous, conseils inefficaces), manque de réactivité et manque de communication et d’empathie. Point à souligner, les questionnaires de la Cleveland Clinic ne portent pas sur l’expérience de la facturation, de la sécurité, ni directement sur l’empathie, ce à quoi Cleveland Clinic souhaite remédier dans le futur.
La Cleveland Clinic a combiné les facteurs déclinés ci-dessus aux normes articulées par Picker et l’OIM pour en tirer les opportunités et sujets prioritaires pour des soins vraiment centrés sur les patients :
1.Facilité d’utilisation :
✔ Accès aux informations :
L’accès aux données à travers un portail pour le patient reste limité. L’avantage des portails est que les patients peuvent effectuer certaines tâches quand ils le souhaitent : demander des renouvellements, ou fixer un rendez-vous sans avoir à réaliser un appel téléphonique.
Les portails de patients ont conduit à de nouvelles façons de communiquer ; cependant, les taux d’adoption, avant COVID, de cette nouvelle méthode par les professionnels de santé et par les patients étaient limités. En 2018, 51% des personnes se sont vues offrir un accès en ligne à leur dossier médical par un fournisseur de soins de santé ou un assureur, contre 42% en 2014. Parmi ces personnes, en 2018, 58% ont consulté leur dossier médical en ligne au moins une fois dans l’année passée. À l’échelle nationale, cela représente environ trois personnes sur 10. La pandémie de COVID-19 a entraîné une augmentation des inscriptions au portail d’environ 30%.
Une caractéristique importante des portails patients est la possibilité pour le patient d’accéder à son dossier médical, un principe fondamental des soins centrés sur le patient. Bien que les hôpitaux soient tenus de rendre les dossiers médicaux disponibles sur demande, la collecte des dossiers implique encore souvent des frais importants, des appels téléphoniques multiples, des retards. Aux États-Unis, des propositions réglementaires récentes indiquent que la disponibilité des données est de plus en plus préconisée par le gouvernement, non seulement pour favoriser l’interopérabilité du dossier de santé électronique, mais aussi pour permettre aux patients de prendre des décisions concernant leur propre santé.
En 2014, le CMS a publié une règle qui permet aux patients de contourner leur médecin et d’obtenir des données de laboratoire directement du laboratoire où elles ont été effectuées. Les groupes de médecins étaient et demeurent préoccupés par le fait que des informations sans contexte ni explication peuvent nuire aux patients. À nouveau, la préférence des patients diffère de celle des cliniciens ; l’écrasante majorité des patients préféreraient accéder à leurs propres résultats d’imagerie ambulatoire dans un délai de 1 à 3 jours et contacteraient les prestataires s’ils n’ont pas reçu les résultats dans un délai de 1 à 5 jours (tests pour les douleurs thoraciques, les maux de dos, la pneumonie, les tumeurs cérébrales et le traitement du cancer) car l’anxiété est courante chez les patients qui attendent des résultats, une anxiété également observée pour les résultats du test COVID. La solution, cependant, n’est pas seulement de permettre aux patients d’accéder aux résultats plus tôt, mais de coupler le résultat avec un appel téléphonique, une visite virtuelle, un minimum d’explications afin de répondre de manière proactive aux craintes et de ne pas les amplifier.
Au-delà de l’utilisation du portail des patients et de la diffusion aux patients des données de laboratoire, les organisations devraient également publier les commentaires de leurs patients afin de permettre aux patients de sélectionner le clinicien le mieux adapté à leurs soins. Pour le patient, l’expérience des autres patients est un critère qualité.
✔ Accès aux professionnels et aux services :
L’attente moyenne pour un rendez-vous pour un nouveau patient était de 24 jours dans une grande zone métropolitaine. Or, les préférences des patients en matière de soins primaires montrent que l’attribut numéro 1, en 2014 et 2019, est la possibilité d’être pris en charge sans rendez-vous, et d’être assuré d’être vu dans les 30 minutes.
Par ailleurs, les patients attendent presque systématiquement lors de leurs consultations. Il est donc essentiel de faciliter l’accès aux rendez-vous médicaux par la limitation des temps d’attente, en en faisant une priorité organisationnelle et en redéfinissant le temps administratif et en ouvrant des plages bloquées sur les horaires des cliniciens.
Il convient de noter que lorsque la Cleveland Clinic a effectué une analyse sur le sujet, les facteurs qui prédominaient sur le sujet avaient en fait plus à voir avec la façon dont les appels étaient gérés qu’avec le temps d’accès réel au rendez-vous. En 2019, le temps d’attente moyen des centrales d’appel hospitalières était de 9 secondes, avec un taux d’abandon moyen de 7% après la réponse vocale interactive et le menu automatisé. Le développement de la télémédecine avec la pandémie de COVID est une opportunité pour améliorer ces points.
✔ Accès financier :
Selon une étude des Affaires de la santé de 2017, aux États-Unis, 52 % des patients ne connaissaient pas le prix du service avant de recevoir les soins et 61% des patients sont confus sur leurs factures de soins. Dans plusieurs systèmes de santé, ceci peut être un facteur de grande anxiété et de frein en termes d’accès aux soins et de recours pour les patients. Développer une politique claire de tarification et d’affichage de ces informations de manière compréhensible pour les patients devient dès lors un enjeu. Les hôpitaux et personnels de santé n’iront jamais au-delà des attentes des consommateurs de santé tant que les coûts ne seront pas transparents pour les patients.
✔ Réactivité :
Dans le domaine de la santé, le temps est une denrée particulièrement précieuse. Les gens attendent presque pour toutes leurs consultations. Au cabinet du médecin, ils attendent dans les salles d’attente. Puis ils attendent à nouveau dans la salle d’examen. Et ils attendent à nouveau pour planifier le prochain rendez-vous. À l’hôpital, ils attendent surtout de rentrer chez eux après avoir été informés qu’ils le peuvent. Face à une attente sans explications, le cerveau va créer une interprétation, un récit. Et pour les patients, cela peut être “ils ne se soucient pas de moi” ou “ils ont oublié que j’étais ici”. Il s’agit ici d’identifier les problèmes le plus tôt possible pour les résoudre en temps réel.
2.Sécurité
La participation des patients à la sécurité peut se traduire par le recueil d’éléments auprès de ceux-ci, la discussion et la reconfiguration des services à partir de ces mesures, comme dans le cas des PROMs par exemple.
La Joint Commission a constaté à plusieurs reprises que les événements sentinelles (des événements indésirables inattendus et qui occasionnent le décès du patient ou des conséquences physiques ou psychiques graves) sont généralement liés à des facteurs humains et que l’échec de la communication est en tête de la liste des causes. Par conséquent, lorsque la sécurité est évaluée, il convient également d’évaluer les pratiques de communication telles que la communication entre le médecin et l’infirmière, ainsi que la mise en œuvre et la durabilité de pratiques de communication fondées sur des données probantes telles que le rapport de chevet (bedside shift report), les tours toutes les heures et les visites de plan de soins quotidiens. La décision clinique partagée et encourager les patients pour qu’ils prennent la parole sont aussi une autre façon d’impliquer.
Enfin, lorsque des erreurs se produisent dans un système hospitalier, la transparence est essentielle. La divulgation de l’événement aux patients et aux familles en temps utile est connue pour réduire les poursuites judiciaires et renforcer la confiance.
3. Travail en équipe
Des expériences innovantes, comme l’inclusion des patients dans les staff journaliers, réalisés au pied du lit, permettent de prendre en compte ses préférences et les inclure dans le plan de soin. Avec l’épidémie actuelle, une partie importante des traitements antérieurement réalisées à l’hôpital a été disloquée à la maison et il est important de reproduire ce type de décision collégiale dans les nouvelles formes d’organisation des soins.
À la Cleveland Clinic, il a été observé que lorsque l’équipe soignante dans sa globalité (médecin et soignants) et le patient sont réunis pour discuter du plan de soins, les enquêtes de satisfaction des patients montrent une amélioration très significative. Ce n’est pas un concept nouveau, mais la prise en charge multidisciplinaire est un bon exemple de ce qui est promu, mais ne se produit pas encore systématiquement.
Les différences entre implication du patient (engagement) et expérience :
Implication du Patient | Expérience Patient | |
Objectifs | 1. Améliorer la santé et les résultats 2. Permettre aux patients et à leurs proches de s’occuper des soins 3. Réduire les coûts | 1. Améliorer la santé et les résultats 2. Dépasser les attentes 3. Réduire la souffrance 4. Différenciation des marques |
Parties prenantes | Patients, autres (probablement) | Patients, autres (probablement) |
Contexte | Santé du patient | Englobant (communication, repas, accès aux soins, etc…) |
Implication du patient | Nécessaire | Non nécessaire (même si dans l’idéal, les patients sont des partenaires et codesigners) |
Perspective | Transactionnelle et longitudinale | Transactionnelle et longitudinale |
Utilisation d’outils / services d’autogestion de la santé | Oui | Non |
Outils de mesure | Patient Activation Mesure (PAM), Patient-Reported Outcomes Measurement Information System (PROMIS), Patient Health Engagement (PHE) Scale | HCAHPS, CGCAHPS, etc. |
Il s’agit ici d’aller au-delà de l’expérience et de vraiment impliquer les patients dans les soins, au sein de l’équipe. Plutôt que de désigner des patients pour des groupes de discussion (focus group), la Cleveland Clinic les intègre en tant que partenaires de soins qui peuvent ensuite siéger dans les comités et guider plus activement les projets au sein de l’équipe. Ils doivent également être inclus dans la conception de nos processus, des outils numériques comme les plates-formes d’engagement et des opérations avec le design thinking et dans les équipes de projet d’amélioration continue.
4.Empathie
✔ Améliorer le service
Les efforts d’hospitalité classiques comme la commande dans la chambre avec des repas fraîchement cuisinés, le concierge virtuel, les environnements centrés sur l’humain, la coordination du concierge et les programmes de récompenses sont merveilleux, mais l’amélioration du service doit également signifier lutter contre l’insécurité alimentaire, la littératie en santé et les déterminants sociaux de la santé dans la population desservie. Des services tels que la bioéthique, les bénévoles, le soutien en cas de crise, les équipes de prise en charge de la détresse morale et en particulier les soins spirituels doivent être disponibles de toute façon, à tout moment et en tout lieu.
✔ Expression of caring
Un profond intérêt quant à l’état émotionnel d’une personne, nécessaire à une connexion empathique, est fondamental pour que les patients se sentent pris en charge. Il est important de noter que la majorité des enquêtes ne pose pas de questions directes quant à l’expérience d’empathie ressentie par les patients ; cela est relaté au travers des patients -ou des soignants en tant que patients- et les enquêtes doivent évoluer pour questionner sur ce paramètre car l’empathie est associée à la confiance, fondamentale dans les relations. Ecouter les souhaits des patients et personnaliser leurs soins est important L’absence d’empathie a également un impact sur l’épuisement professionnel, la satisfaction, l’engagement et les risques de faute professionnelle.
✔ Soins personnalisés :
Le respect des besoins, des valeurs et des préférences des patients crée un terrain de confiance. Les systèmes de gestion de la relation client (CRM) sont un moyen de connaître et de respecter les préférences des patients. En outre, les disparités en matière de santé exacerbées par l’épidémie de Covid-19 incitent à prendre en compte les déterminants sociaux de la santé et en créant des parcours personnalisés pour toutes les populations.
✔ Accompagnement de la fin de vie
Il semble très difficile de parler de modèles de soins centrés sur le patient sans discuter également des soins d’accompagnement de fin de vie (EOL). Il s’agit ici d’accompagner les patients pour définir leurs directives anticipées et d’évaluer leur respect. Au cours de l’épidémie de Covid-19, à la Cleveland Clinic, certains patients, et des soignants qui risquaient leur vie, ont affirmé qu’ils voulaient avoir des conversations sur la planification préalable des soins pour protéger leurs familles en cas de décès. Des supports de discussion et de directives anticipées ont été créés sur les plates-formes digitales et les aumôneries ont été mobilisées. Ces documents peuvent être notariés et téléchargés facilement dans le dossier patient.
Réinventer les indicateurs et les méthodes de mesure de l’expérience
Depuis la fin des années 1990, la satisfaction des patients est mesurée aux États-Unis avec l’utilisation de l’enquête HCAHPS. Le CMS lie le remboursement à la performance de cette enquête, qui couvre plusieurs domaines de soins, y compris la communication avec le médecin, la communication avec l’infirmière, la réactivité et l’information sur les médicaments. L’enquête comporte 29 questions et elle est donnée aux adultes d’au moins 18 ans qui passent au moins une soirée à l’hôpital.
Une question est particulièrement absente : savoir si un patient s’est senti soigné, pourtant l’un des besoins articulés les plus importants des patients.
Cette omission n’est pas due à un manque de travail avant le lancement de l’enquête HCAHPS en 2006 ; il a été développé après une étude de marché sur la manière dont les patients jugeaient la qualité des soins de santé. Bien que destiné à capturer l’expérience des patients et à la vonlonté de l’intégrer de manière significative dans des soins de haute qualité, HCAHPS rencontre de réels problèmes à l’ère du numérique.
Le questionnaire HCAHPS rencontre plusieurs limites dans le monde digital actuel :
• D’une part, les données ne sont pas recueillies au moment opportun. Les enquêtes HCAHPS peuvent être retournées dans les 6 semaines, après quoi elles ne sont pas incluses dans les évaluations.
• De plus, les évaluations elles-mêmes sont attribuées au médecin sortant et pas aux différents services qui sont intervenus au décours de l’hospitalisation.
• Les taux de retour pour les enquêtes HCAHPS sont faibles (26,6% au niveau national en 2017, ce qui est considérablement en baisse par rapport aux 33,3% de 2008). De plus, il y a de fortes différences entre les populations de patients (à la Cleveland Clinic, le taux de retour actuel est de 22%, avec seulement 7% des Afro-Américains qui ont renvoyé des enquêtes). Comment peut-on dire que l’on s’intéresse à l’expérience de TOUS les patients alors que le HCAHPS ne capture qu’un seul paramètre avec un taux de retour qui représente une fraction des interactions avec les patients ?
• En outre, les scores HCAHPS sont influencés par plus que l’expérience du patient elle-même. Dans une analyse interne il a été noté que chez les patients médicaux, plusieurs facteurs avaient une influence négative sur les évaluations de satisfaction des patients : coexistence d’une dépression comorbide, gravité de la maladie et durée du séjour. Il a également été constaté que les patients plus éduqués et âgés de plus de 65 ans étaient plus susceptibles de retourner les questionnaires, de sorte qu’un biais de réponse existe et que le recours continu à cette méthodologie élargit les disparités.
• Enfin, l’enquête est trop longue. Une enquête papier de 29 questions prend 10 minutes, dans un monde avec une durée d’attention moyenne de 8 secondes.
Évolution des méthodes de mesure de l’expérience patient
Le feedback et sa capture évoluent et il était temps. Sur la base des failles ci-dessus, les recommandations pour la méthodologie de capture future sont décrites dans le tableau ci-dessous. Les changements nécessaires incluent la livraison d’enquêtes par SMS et e-mail, l’ajout de la télésanté et de l’engagement numérique comme paramètres, moins de questions qui s’appliquent à tous les paramètres, l’utilisation du Net Promoter Score (NPS) pour comparer avec d’autres industries, et rétroaction instantanée. Ces changements représentent un bond en avant significatif dans la méthodologie de l’expérience des patients.
Feedback patient | Fonctionnement actuel | Fonctionnement futur |
Outil principal | HCAHPS | Sondage patient standard unique Feedbacks rassemblés depuis toutes les sources |
Focus principal | Score total HCAHPS | Net Promoter Score |
Environnement de soins | Séjour hospitalier | Tous les environnements de soins, y compris non cliniques et virtuels |
Personnel de santé inclus | Médecin et infirmière | Tout le personnel de santé |
Mode d’envoi | Courrier | SMS/Email |
Administration | Rétrospectif (6 semaines) | Temps réel |
Benchmark | Gouvernement | Toute l’industrie |
Alors que les organisations commencent à travailler pour mieux comprendre le point de vue du patient, il y a de l’espoir. Poussées par la concurrence sur leurs propres marchés et le désir de commentaires significatifs pour façonner les interventions et la conception, les organisations et les pratiques explorent comment procéder différemment. Ce qui doit être différent à l’avenir, c’est la méthodologie, les modalités et les questions elles-mêmes.
L’approche expérience patient de la Cleveland Clinic
Adrienne Boissy partage sa vision de l’évolution à donner à la mesure de l’expérience patient en partant d’un constat établi : si le patient vit une expérience positive dans un hôpital donné, il est plus susceptible de choisir cet hôpital à l’avenir. La fidélité dans la plupart des autres secteurs est évaluée avec le “Net Promoter Score”, qui est basé sur la réponse d’une personne à la question : ‘Dans quelle mesure êtes-vous susceptible de nous recommander à un ami ou à un collègue ?’
Le NPS considère la fidélité comme ayant une composante émotionnelle et une composante cognitive, qui inclut la performance et le coût (c’est-à-dire la valeur). Pour Cleveland Clinic, le NPS invite à se concentrer sur 4 axes : le travail en équipe, la sécurité (communication), l’empathie et la facilité.
La sécurité n’est pas évaluée dans les questionnaires d’expérience patients réglementaires (HCAHPS en particulier) alors qu’une communication efficace, centrée sur les relations entre les patients et les soignants, est indissociable de la sécurité des soins, de l’expérience et des résultats. La Cleveland Clinic évalue actuellement l’intégration de meilleurs indicateurs pour mesurer la qualité de la communication, qui pourraient s’appliquer à tous les soignants. L’ajout d’une nouvelle question générale en lien avec la sécurité : « À quel degré vous sentiez-vous en sécurité aux Cleveland Clinic » est aussi prévue.
Les questions des enquêtes sur l’expérience des patients doivent être alignées avec les valeurs de l’organisation et les engagements faits aux patients. La Cleveland Clinic met un accent stratégique sur les NPS, le travail d’équipe, l’empathie, la sécurité / la communication, la facilité. De manière volontariste, ces catégories peuvent s’appliquer aussi bien à l’expérience des patients qu’à celle des professionnels de santé.
Catégorie du sondage | Travail d’équipe | Empathie | Sécurité / communication | Facilité |
Approche Centrée Patient | Vous serez un patient PARTENAIRE | Nous prendrons soin de vous en tant que personne | Vous serez en sécurité avec nous | Nous faciliterons votre parcours de soins. |
Valeurs de l’établissement/organisation | Travail d’équipe et inclusion | Empathie | . Sécurité et qualité des soins . Intégrité | Innovation |
Questionnaire Patient Active Cleveland Clinic | Dans quelle mesure le personnel a-t-il travaillé en équipe pour prendre soin de vous ? | Degré auquel le personnel a pris soin de vous en tant que personne ? | . Communication des médecins et des infirmières . Niveau de courtoisie et respect . Degré de sentiment de sécurité des patients | Facilité d’obtenir le niveau de soins attendu par le patient à la Cleveland Clinic |
Mesure quantitative Active Cleveland Clinic | . % plan de visites de soins . Score PAM | . % d’achèvement des directives préalables | . % des médecins avec un score communication inférieur au 40ème percentile . Nombre d’événements SERS (Safety Event Reporting System) | . Nombre de plaintes (pour 1000) . % simplicité d’utilisation des technologies . % de rendez-vous pris en ligne |
L’objectif de la Cleveland Clinic est également de recueillir l’expérience patient au fil de la vie des patients, dans le temps. L’opportunité aujourd’hui est de commencer à vraiment comprendre l’expérience au cours d’une relation à vie plutôt que juste après une seule consultation. À terme, il s’agira de corréler les commentaires subjectifs des patients à des mesures objectives de sorte que, plutôt que de rechercher les scores en fonction de la perception, il soit possible de démontrer les réalisations opérationnelles qui permettent véritablement à une organisation de se centrer sur le patient.
Évolution de l’Expérience Patient
Les idées du Picker Institute et du rapport de l’OIM restent valables 20 ans plus tard. Notre responsabilité collective est de donner suite à ce que nous (et les patients) déclarons important depuis trop longtemps déjà. Nous en avons la volonté, la technologie et la formidable opportunité, dans un monde post-COVID-19.
À l’avenir, les organisations soucieuses de fournir une bonne expérience aux patients disposeront d’indicateurs simplifiés, déployés en temps réel par SMS et e-mail, en fonction des préférences du patient, et avec une fonction intelligente intégrée qui permettra des analyses approfondies si nécessaire. Il y aura un focus sur moins de questions, mais qui auront plus de sens, et qui s’appliqueront à tous les contextes et à tous les soignants pour saisir de manière holistique l’expérience du patient qui comprend des sujets tels que le travail d’équipe, le partenariat avec les patients, l’empathie et les soins personnalisés, le partage de la prise de décision et la sécurité, la facilité d’utilisation. Les expériences évaluées ne seront pas limitées à un bureau, un hôpital, une plateforme numérique ou un appareil unique. Les commentaires subjectifs des patients seront associés à des mesures objectives. La sécurité et l’empathie devront faire partie intégrante de l’orientation patient, caractérisée en grande partie par la façon dont nous communiquons les uns avec les autres et de sorte à faire réellement progresser une organisation vers des soins centrés sur le patient.
Depuis la COVID-19, et grâce aux plates-formes et applications virtuelles qui ont été mises en place entre les cliniciens et les patients, le fait de toucher physiquement ou émotionnellement un patient est en diminution. Mais il est nécessaire de construire un avenir au sein duquel cela est réalisé, et ce dès maintenant. Le secret de soins exceptionnels reste celui d’êtres humains qui prennent soin d’autres êtres humains. Comme l’a souligné le Dr Francis Peabody il y a près de 100 ans, « le secret des soins du patient réside dans le soin du patient. »
Ensemble, avec ou sans COVID-19, il s’agit de révolutionner les soins centrés sur le patient pour créer des soins centrés sur la personne, des soins avec les mêmes promesses intemporelles pour les patients et pour le personnel. Nous vous protégerons. Nous nous associerons avec vous. Nous allons vous faciliter la tâche. Nous prendrons soin de vous en tant que personnes.
▶ D’après un article d’Adrienne Boissy, directrice de l’Expérience Patient à la Cleveland Clinic (juillet 2020) :
« Getting to Patient-Centered Care in a Post–Covid-19 Digital World: A Proposal for Novel Surveys, Methodology, and Patient Experience Maturity Assessment »
Source de l’article : https://catalyst.nejm.org/doi/full/10.1056/CAT.19.1106#t2